Un roman bashungien

La pierre angulaire du roman de Delphine de Vigan est la journée du 31 janvier 1980. Ce jour où la maman de l’écrivaine est atteinte de bouffées délirantes. Des pensées incohérentes qui la submergent, qui l’envahissent. Des troubles qui ne sont pas déconnectés des douleurs vécues dans l’enfance. Le livre, divisé en trois parties est articulé autour de cet événement.

 

Dans la première, l’écrivaine raconte l’enfance de sa mère et l’histoire de sa famille. La description de l’appartement familial de la rue de Maubeuge, le grand-père Georges, journaliste à Radio-Cinéma doté d’une personnalité écrasante, Liane la grand-mère, un oxymore de puissance et de douceur. L’auteur arrive avec brio à nous faire entendre les éclats de rire, les éclats de voix, à retranscrire l’ambiance qui règne au sein cette famille nombreuse et attachante. Dans la seconde partie, Delphine de Vigan raconte sa propre jeunesse, le divorce de ses parents, la vie avec sa petite sœur et Lucile, leur mère, avec laquelle elles entretiennent des rapports complexes. Et puis la rupture, le délire pas si inexplicable. Une maman bipolaire qui se débat avec une maladie qui disparaît, réapparaît et qui livre un combat permanent contre une partie d’elle même. Pour clore le roman, la troisième partie est la résurrection de Lucile, la rédemption, le calme après la longue tempête. Le diplôme d’assistante sociale que Lucile décroche au terme d’un combat douloureux. Et puis sa disparition volontaire, brutale. La romancière raconte le rapport mère-fille souvent très ambivalent qui peut se révéler violent. Son lien entre jalousie et passion avec une maman un peu excentrique et solitaire, exactement comme Arthur H avait qualifié Bashung après son décès. Delphine de Vigan a une écriture simple, efficace, modeste elle n’utilise aucune formule grandiloquente ou alambiquée. Elle a suffisamment de distance et de recul pour être parfois très drôle, parfois émouvante jamais obscène.

 

 

Ce roman est le fruit d’un travail de recherche approfondi. On imagine la difficulté de réaliser des interviews au sein de sa propre famille, compiler des informations, fouiller des cartons, écouter des enregistrements sonores, relire des courriers administratifs. Delphine de Vigan dit en avoir perdu le sommeil. La couverture du livre est une photo de Lucile, elle m’interpelle chaque fois que je passe devant une librairie. La jeune femme aux traits harmonieux évoque les héroïnes des films de Godard. Et le titre du livre est un extrait du texte de Jean Fauque l’auteur de la chanson interprété par Alain Bashung « Osez Joséphine ».

Une mélodie superbe qui a accompagné l’écriture et qui s’entend à la lecture.

 

Je vous conseille du même auteur: "Un soir de décembre"

 

 

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1 Comments
A mon avis, un des meilleurs romans de l'année. Une histoire de famille peu ordinaire, mais on finit tous par s'y retrouver à un moment ou à un autre. Je n'ai pas lu "Un soir de décembre" (j'ai bien l'intention de le dévorer avant la fin du mois ;) ), mais "Les heures souterraines" est tout aussi prenant que "Rien ne s'oppose à la nuit". Grand auteur!

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